Ils nous ont oubliés @ TNP

13 octobre 2023 | 19h00 - 23h00

7 - 13 octobre 2023

Séverine Chavrier s’empare d’un texte à la violence sourde et reste fidèle à l’esprit de Thomas Bernhard : féroce, drôle, désespéré.

Ils nous ont oubliés @ TNP

Paru en 1970, La Plâtrière est l’un des premiers romans de l’écrivain autrichien Thomas Bernhard. Il s’ouvre par le récit d’un meurtre : aux abords d’une ancienne usine à chaux, la nuit de Noël, une femme a été retrouvée dans son fauteuil roulant, tuée d’un coup de fusil en pleine tête. Quelques temps plus tard, on découvre dans une fosse à purin son mari, à moitié mort et fou, une carabine à la main. Retraçant méticuleusement la succession des événements ayant conduit au crime, le récit sombre dans l’enfer conjugal. Ce couple a échoué cinq ans plus tôt à la Plâtrière, une bâtisse perdue au milieu des Alpes autrichiennes. Lui, Konrad, autodidacte obsessionnel, travaille à sa grande œuvre, un Essai sur l’Ouïe. Mais sa quête d’idéal est en permanence entravée par le réel le plus désuet, si bien qu’il ne couche jamais le moindre mot sur le papier. Elle, sa femme, était déjà malade lorsqu’il l’a épousée ; c’est grâce à son argent qu’ils ont pu vivre. Chacun est ainsi devenu le tyran de l’autre. L’enquête policière se meut en cauchemar métaphysique. La folie se répand, inquiétante, hallucinée, corrosive… Que reste-t-il d’une vie, si ce n’est des babioles déjà ensevelies par la neige blafarde ?
Barricadés dans leur maison, les deux personnages sont peu à peu engloutis par la nature environnante : une forêt désolée, des corbeaux. Comme dans un paysage mental, les frontières s’effritent entre le sauvage et le domestique. L’angoisse monte crescendo, les murs tombent en lambeaux et des figures énigmatiques s’invitent dans le huis-clos. Parabole d’une aristocratie déchue qui assiste à la chute de son monde, tableau d’un pays où le nazisme rôde encore ou miroir d’une société en état de survie, ce texte est imprégné d’une violence sourde.
Séverine Chavrier, directrice de la Comédie de Genève depuis 2022, dialogue de nouveau avec Thomas Bernhard. Cultivant son art de la scène total, elle imagine ici une scénographie diffractée, augmentée d’écrans, peuplée d’oiseaux et d’humanoïdes. Tout en prenant des libertés, elle reste fidèle à l’esprit bernhardien : féroce, drôle, désespéré. Les acteurs tiennent de bout en bout la partition, soutenus par les improvisations d’un percussionniste. Les spectres sonores envahissent les lieux : depuis le sous-sol jusqu’aux tréfonds de la vallée, tout ici est son – jusqu’au silence.

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