Quand la fiction se frotte au réel
Le nouveau projet de la compagnie est une écriture à quatre mains, celle de Malo LOPEZ metteure en scène et Julien PENICHOST, vidéaste. Nous partons du fait qu’il y a une dimension de vérité inhérente à la fiction. Nous affirmons la volonté d’une nouvelle esthétique pour la compagnie et d’une écriture contemporaine.
Le choix de la pièce de William Shakespeare Roméo et Juliette comme point de départ de notre réflexion est né d’une volonté des comédiens et comédiennes de jouer une pièce de répertoire, de raconter une histoire d’amour et de notre envie que le handicap ne soit pas le sujet de la pièce mais qu’il soit une donnée pour la mise en scène. L’histoire de Roméo et Juliette s’est imposée par ses résonances avec les histoires de chacun des interprètes. Les comédiens se sont emparés des sujets clés de l’œuvre de Roméo et Juliette en nous livrant des propos forts et intimes sur leur propre définition de l’amour, guidée par leurs expériences personnelles et leurs histoires familiales. Ce qui vient nourrir notre réflexion et nous donner matière à explorer et à parachuter dans notre écriture.
Immergés dans le contexte du handicap nous nous retrouvons au cœur d’un questionnement : quel est le rapport à l’amour d’une personne en situation de handicap mental ? Quelle est la définition qu’elle en donne ? Quelle est son rapport au désir ?
La détermination des deux amants est le miroir de la détermination que nous constatons chez les interprètes : celle de vouloir atteindre à tout prix un but alors que le contexte dans lequel ils évoluent n’est que reflet d’opposition et d’empêchement. Nous avons envie pour approcher la tragédie d’aborder cette création comme on aborderait l’écriture d’un projet de territoire et de convoquer toutes les forces du théâtre depuis le texte de William Shakespeare en passant par les témoignages des acteurs, situations bien réelles.
Prendre le réel comme une source d’enrichissement et d’interprétation de la pièce permet de faire s’entrechoquer les différentes dimensions de l’histoire de Roméo et Juliette. L’influence familiale, la liberté d’aimer, l’impossibilité de le faire, la passion irrationnelle qui fait perdre toute notion du temps… C’est autant la découverte de l’amour, sa quête si intense et exaltée que l’effet dévastateur de cette pièce qui nous donne l’élan pour nous en emparer aujourd’hui et pour l’ancrer dans notre époque.
Notre regard se pose comme une mise en abîme des deux amants guidés par une passion amoureuse leur faisant perdre la notion du contexte dans lequel ils évoluent.... Pour autant, ils vivent avec leur temps, adolescents de leur génération.
Pour Juliette, adolescente de cette génération, elle est accrochée à son téléphone portable, il est son miroir et sa prothèse corporel. C’est l’objet non pas seulement d’un attachement physique mais aussi affectueux.
Il est le lien entre l’espace et la représentation qu’elle se fait d’elle-même. Ici il est le reflet de son bazar d’intimité. C’est cette intimité qui nous intéresse ici, celle de la comédienne, de la femme qui interprète Juliette, avec son histoire, ses cicatrices et tout ce qu’elle a bien voulu dévoiler. Et c’est à travers ce miroir et cette technologie mobil qu’on va pouvoir le faire.
Roméo, lui, tend à se réapproprier sa pensée, ses rêves et trouve en la danse et en la course une raison d’être, un mode d’expression, d’une grande sincérité.